Passage à vide [PV : Ryo]

Profondément enfoncé dans son fauteuil, Kurts attendait... Plus précisément, il attendait du travail. Cela faisait 6 mois depuis l'affaire du croiseur appât de l'A.A.P., et depuis, les contrats se faisaient de plus en plus rare. Depuis une soixantaine de jours, la fine équipe du mi-homme, mi-démon se serrait la ceinture, et si la situation perdurai, il faudrait envisager un emprunt, et un gros. Rien que leur résidence coutait une fortune à entretenir...
Arcadius poussa un énième soupir pour rompre le silence ambiant. Il avait tenté dernièrement de travailler comme magicien pour divertir les foules, mais son léger problème de magie avait vite fait s'effondrer cette tentative... tout comme le bâtiment qu'ils avaient loués, réduisant encore le montant de leurs économies. Tous, ils avaient cherché des petits boulots pour survivre ; Nath avait été lanceur de couteaux... ça avait duré un temps, avant de lasser. Anna avait été serveuse, mais son franc-parler lui avait vallu la porte lorsqu'elle avait une fois de trop remis un client en place. Yvan avait fait petit boulot sur petit boulot, mais jamais il n'avait tenu très longtemps. En désespoir de cause, il avait tenté de vendre ses inventions. La seule offre qu'on lui avait fait, c'était pour acheter des pièces de son corps... Quant à Kurts, lui n'avait trouvé qu'un boulot de mannequin. Il avait quitté l'endroit quand on lui avait dit qu'il devait encore perdre du poids... Après tout, ce n'était pas comme s'il cherchait un travail pour pouvoir manger à sa faim...
En bref, la situation devenait assez critique... Et cela se ressentait sur l'humeur de l'équipe. Le salon était devenu la pièce à éviter, toute remplie de soupirs et autres. Pourtant tout le monde s'y réunissait pour essayer de ne pas se morfondre seul dans son coin.
Kurts était toujours plongé dans ses sombres pensées lorsqu'Anna passa la porte d'entrée, revenant d'une recherche de contrat. La vie revint un instant dans la maisonnée, le temps pour tous de se tourner, plein d'espoir, vers elle ; et elle de secouer la tête.

- Rien, encore. On est victime de notre succès, à trop chasser on n'a plus de proie...

- Y avait pourtant plein de contrat encore très récemment, c'est pas normal !

- Bah, beaucoup de pirates sont morts pendant leur assaut, quand aux autres, beaucoup de tête ont étés prises par un nouveau chasseur.

- Quel genre ?

- Je m'attendais à cette question. J'ai écouté quelques rumeurs... Apparemment, ce serait une chasseuse, mais on en sait guère plus. Très mystérieuse, visiblement. Quasiment à chaque contrat qu'elle vient chercher ou ramèner, ce n'est pas la même femme. Soit une as du déguisement...

- Soit un groupe.

- Oui, c'est ce qu'il se dit. Et ce que je pense aussi.

- Rien d'autre ?

- Si, j'ai déniché quelques autres infos. Un grand nombre de contrat en peu de temps, aucune annulation, toutes les cibles ont étés tuées. Manie diverses armes, et si elle est adepte du bourinnage, elle en reste pas moins très pro. Elle se fait appeler l'Amante, surnom qui s'explique par son apparente nymphomanie. Elle adore aussi les costumes divers et variés, infirmière, soubrette, religieuse, etc. Et j'ai une adresse... Un ancien commerce, racheté récemment et reconverti en maison close. À l'envie Grimpante que ça s'appelle, si ma mémoire est bonne.

- On pourrait peut être aller y jeter un œil, histoire de voir à qui on a à faire, non ?

- J'y ai pensé, mais pour des catins, elles défendent bien leur bordel... Si t'es pas client, tu rentre pas.

- Dans ce cas, il suffit de se faire passer pour des clients... Il faut déjà être peu, deux, je dirais. Pas de femme, logiquement. Et l'air parfaitement normal, insoupçonnable... Le mieux serait d'avoir un idiot dans le lot...

- Y a toujours Arcadius... À son âge, sa présence dans ce lieu n'aurait rien d'étonnant, et il est du genre à faire rire plutôt qu'à éveiller les soupçons...

- Hé !

- C'est une bonne idée... Et je pourrais t'accompagner en tant que ton fils qui réalise une de tes dernières volontés. Nath, il nous faut une canne. Et, Arcadius, met une tenue moins... extravagante...

- Je suis magicien, c'est la tenue officielle !

- Tu joue le rôle d'un petit vieux qui veut prendre du bon temps une dernière fois, pas d'un magicien. Alors vire-moi cette robe de mage et met quelque chose de plus approprié.

- Comme quoi, un pantalon ? Un mage en pantalon ! C'est d'un efféminé !

Une bonne demi heure de bataille verbale plus tard, pépé Arcadius et son "fiston" vidaient encore un peu plus la caisse familiale pour aller prendre leur pied. On les laissa passer, bien qu'ils soient accompagnés par des jeunes femmes visiblement armées jusqu'à la réception. Les y attendaient une autre jeune femme et un catalogue électronique des prestations. En bons comédiens, Arcadius fit semblant de s'intéresser de très près au catalogue comme au décolleté de l'hôtesse, tandis que Kurts jouait le fils gêné en retrait et examinait discrètement les lieux.

- Dites-moi, jeune femme, qu'est-ce que la formule "D.S.Q." ?

- Ah, celle-là... C'est une formule qui nous a été inspirée d'un fait divers s'étant déroulé au XXIème siècle. Dans votre chambre, en sortant de la douche, vous trouvez la femme de chambre en train d'œuvrer, et elle pourra tout dépoussiérer...

- Très intéressant, mais elle coûte très cher...

- Oh que oui elle coûte cher...

[P.S. : J'ai pas pu m'empêcher de faire cette blague...]

- Papa, on avait dit qu'on prenait la formule classique ! Choisit ta fille, qu'on en finisse.

Ils réglèrent les derniers détails, dont le gros détail financier puis Arcadius fut emmené dans les étages supérieurs. Quand Kurts voulu le suivre, il se vit barrer le passage.

- Désolé monsieur mais si vous ne prenez aucune prestation, il va falloir rester ici.

- Mais enfin, j'accompagne mon père !

- Ne vous en faites pas, il sera très bien pris en main... Asseyez vous, vous pourrez l'attendre.

Aussi Kurts ne s'obstina pas et se contraignit à rester à l'accueil, se demandant si Arcadius serait d'une bonne utilité pour chercher la ou les chasseuse(s) de prime, ou du moins des indices. Il en doutait fortement. Enfin, lui pouvait détailler les rares employées qui passaient, comme s'il hésitait à se payer lui aussi une prestation.

Une dizaine de minute plus tard, des éclats de voix se firent entendre venant d'un bureau tout proche. La porte indiquait qu'il s'agissait du bureau du P.D.G. Visiblement, les affaires semblaient aller bien si ce commerce se permettait de se donner des airs de grande entreprise avec des plaques couteuses aux portes et autres... Le commerce de Kurts, lui, se portait plutôt mal...
Les voix devinrent plus fortes et donc compréhensibles.

- Non mais tu imagines le pétrin s'il remonte jusque nous ?!

- Oh, je t'en prie, c'est pas comme s'il était à l'accueil !

La porte s'ouvrit à la volée.

- Encore heureux ! Et prie pour que ce ne soit jamais le cas...

La personne qui venait de parler se tut quand, en sortant du bureau, son regard tomba sur Kurts. Le type était un jeune homme, moins de la vingtaine, blond. Il portait une grande veste rouge. Son interlocutrice regarda par dessus son épaule. Elle portait une coiffe de nonne, légèrement déplacée dans ce lieu de perdition.

- En fait, il se pourrait bien que se soit le cas, Ryo...